On se réveille avec des étoiles encore plein les yeux. Et de la gratitude, pour toutes ces émotions vécues au cours du week-end. Rendez-vous un peu compte…en 56 ans, depuis les débuts de cette compétition, la France avait réussi à glaner 9 médailles en tout. 3 d’argent et 6 de bronze. Et là, sur un week-end, y en a trois autres qui tombent, sur une seule édition ! Dont deux d’Or, ce qui n’était jamais arrivé dans un championnat continental pour les séniors. Les parabadistes, eux, collectionnent les titres. Les jeunes aussi. Mais coté séniors, niet. Nada. Rien. Jusqu’à samedi soir.
Samedi soir où Thom et Delphine ont été étincelants. Ont mangé tout cru les Danois, grâce à une vraie gnaque, qu’on leur connait depuis leurs débuts, un talent de fou qu’ils ont mis en scène depuis quelques années en allant battre quasiment toutes les paires mondiales. Ils avaient échoué de justesse face aux Allemands aux Jeux Européens, les voici maintenant sur le toit de l’Europe. Qu’ils peuvent être fiers !
Et puis, et puis… Anne et Margot sont arrivées, tranquillement, le lendemain. Leur panache en bandoulière. Leur progression fulgurante dans la tête, avec la confiance qui va avec. Et la classe, totale. Avec le sourire, la joie d’être sur le court, qui transpire, comme leurs pores à force d’échanges, longs et éreintants – parce qu’il fallait aller les chercher, ces soeurettes Stoeva, aux trois titres européens. Elles ont gagné la bataille physique, psychique, pour s’envoler vers un titre ô combien mérité, et méritoire. Remettant le double dame sous les feux de la rampe. Elles nous ont ému, encore une fois, comme à Rennes, avec leur simplicité, leur talent, et le travail qu’elles ont fourni pour arriver à aller chercher cette médaille d’Or qui avait échappé à Anne, il y a 6 ans, avec sa pote Emilie. Bravo, bravo… Et une deuxième marseillaise en deux jours. Juste dingue.
Que dire de l’histoire des Popov. Inimaginable. Vendredi dernier, le « petit », Christo, était encore en passe de se qualifier aux Jeux sur deux tableaux. Avec son frangin, en double, et en simple, après ses incroyables exploits en Allemagne et au All England. Mais la roue a tourné. Lucas et Ronan sont allés chercher un titre au milieu de nulle part, et sont repassés devant. Et puis, des Danois moins connus et intraitables ont barré la route des frangins et brisé leur rêve de participer aux JO ensemble. Avec une blessure qui arrive en plus pour Christo au plus mauvais moment, couplé au talent d’Alex Lanier qui ne se fait pas prier pour briller. Et Tomi. Tomi, qui, pour qui, avant cette échéance, on ne donnait pas cher des chances. Mais Tomi, c’est Tomi. Avec sa classe, son incroyable abnégation, sa puissance, son intelligence de gestion des matchs. Son physique assez monstrueux. Qui bon gré mal gré, et malgré la défaite en double, se recompose, et joue sa plus belle partition en terre de Ruhr, en simple. Et qui passe les tours. On sait tous, dans nos têtes, que la demi-finale contre Axelsen sera LE match le plus important de sa vie, sans doute. Ce match qui lui permettrait d’aller en finale d’un championnat d’Europe. Déjà. De potentiellement battre le numéro 1 mondial incontesté – ce qu’il n’avait jamais fait. Et surtout, surtout, de « remettre les pendules à l’heure » dans la fratrie et de partir aux Jeux. Lui, l’aîné, avait fait la course en tête pendant 11 mois, avant de s’être fait voler la vedette par ce trublion de petit frère. Et donc, LE match contre Axelsen. Ce match d’anthologie, que Tomi joue à merveille, aussi bien techniquement que tactiquement. Et la victoire. Impensable. Libératoire. Incroyable. Avec dans les larmes de Tomi sur les épaules de son papa juste après, sans doute une délivrance après tant de pression. Avec, aussi, comme souvent, une célébration à la hauteur de sa classe et du lien si fort qui le lie à son frère. Sans doute, avait-il une pensée aussi pour le jeune frangin, à qui, une fois le dernier volant chu, il barrait la route des Jeux, en s’ouvrant la sienne. Dure loi du sport, plus encore lorsqu’elle touche une fratrie, une famille si soudée. On ne peut s’empêcher d’être heureux pour Tomi, incroyable athlète. Mais aussi d’avoir une pensée amère et pleine d’empathie pour Christo, qui, le connaissant, doit malgré tout aussi être heureux pour son frère. Lui, on le reverra sur d’autres Jeux, c’est sûr, même si d’autres poussent, poussent, et seront prêts aussi pour Los Angeles – comme Alex ou Arnaud, brillants cette semaine.
Alors si on a mal au cœur pour Christo et Tomi et Toma le papa, pour n’avoir pas pu garder cette place au chaud en double, pour les Jeux, on est aussi paradoxalement tellement contents pour Ronan et Lucas, qui, eux aussi et tout autant, méritaient cette place sous les projecteurs de Paris 2024, après des carrières magnifiques et pour partir dans une retraite sportive par la plus belle des portes de sortie.
Que d’émotions. Ces victoires, de Margot, d’Anne, de Thom, de Delphine, c’est aussi la victoire de ces entraineurs de clubs, qui les ont façonnés comme mini champions, de leurs parents qui ont passé leurs week-ends sur les routes ou dans des gymnases pendant des années, à tous ceux qui les ont accompagnés sur cette jolie route, les kinés, le staff médical, qui, comme nous, ont dû avoir les yeux qui brillent derrière nos petits écrans ou en coulisse. Avec une pensée aussi pour Baptiste et Joran, qui ont œuvré des années aux cotés de Thom et Delphine, Anne et Margot, et qui voient, à postériori, leur incroyable boulot récompensé. Chapeau bas aussi à la DTN, qui réussit un joli pari en mettant deux paires sur la plus haute marche du podium. On nous avait promis que la Fédé marcherait sur deux jambes, le sociétal et le sportif. Dont acte. C’est tout le badminton tricolore qui jubile aujourd’hui, avec deux titres européens et un qualifié dans chaque catégorie aux Jeux. Historique. Les entraineurs Fernando Rivas et Kim Nielsen, qui exultaient sur le banc, n’y sont pas pour rien non plus. L’Ibère a pu conjuguer son talent de visionnaire au pluriel, en emmenant à la fois Carolina vers un 7eme sacre, mais aussi les Bleus sur la même plus haute marche par deux fois. La France est désormais parmi les 10 meilleures nations européennes de l’histoire de cette compétition (dixit Wikipédia, mais je vais quand même demander confirmation à Bruno). Mais surtout, elle fait jeu égal avec le Danemark avec le même nombre de médailles d’Or sur cette compétition. Les Scandinaves ne toisent plus du regard les Bleus. Chez les jeunes, ça fait longtemps. Chez les grands, ça commence à sérieusement changer. Même Antonsen n’était pas serein malgré son 8-0 au tableau des rencontres avant la finale d’hier – Tomi l’a bien fait suer… La France continue de s’immiscer parmi les grandes nations du bad. Les jeunes générations feront sans doute encore mieux, avec des talents incroyables dans les pôles, qui ne demandent qu’à éclore.
La fête est belle, et nos tricolores ont dû trinquer jusqu’à plus soif hier soir pour célebrer cette incroyable épopée. On se réveille, nous, sans gueule de bois. Sans langue de bois non plus. On dit haut et fort notre plaisir et notre gratitude. On savoure notre plaisir, tout simplement. Et merci, merci aux athlètes pour nous avoir fait vibrer ainsi, tout spectateurs que nous étions.
Et maintenant, repos mon général ! Les Thomas et Uber Cup se passeront de nos faits d’armes – c’est peut-être pas plus mal pour laisser les organismes reprendre du poil de la raquette. Il y aura quelques autres tournois, d’ici là, mais Paris 2024 est dans toutes les têtes. Nos Bleus iront avec une belle médaille d’Or autour du coup pour certains, des rêves, et toute une nation derrière eux. D’ailleurs, mercredi, des nouveaux billets seront en vente (là où les médias, finalement, ne mettront pas leurs cameras, donc il risque d’y avoir des jolies places pour le bad aussi). Quel beau week-end…
Belle semaine à tous !
Belles photos, comme toujours de Yohan Nonotte / Badmintonphoto
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