Chose promise, chose due.
Un édito, donc, sur la mandature qui s’achève. Sans jugement, mais avec des ressentis, surtout.
Il y a d’abord un sentiment d’amertume, que le message n’ait pas été bien perçu. Parce que la vision de Yohan Penel, qui laisse aujourd'hui sa place à la tête de la Fédération, était essentielle : le sport devra, un jour ou l’autre, devenir bien plus qu’un terrain de jeu. Au même titre que l’éducation, le sport a des vertus et pouvoirs dont on commence tout juste à mesurer l'impact – pour mettre fin à la sédentarité, à l’obésité, mais aussi pour apprendre à vivre ensemble ou mieux avec soi-même, avec des valeurs que seul le sport sait véhiculer – certains en tous cas - et des lieux et moments de pratiques où les éducateurs ont un rôle fondamental vis-à-vis des jeunes générations. Que le sport facteur de bonheur, de réparations, de paix, n'est pas une lubie.
Cette vision de Fédération à mission, Yohan Penel et ses équipes l’ont porté, à bout de bras déjà bien chargés. Elle a peut-être été mal comprise, ou mal expliquée, au choix. Il ne s’agissait pas de remplacer les anciennes prérogatives et missions par des nouvelles, mais simplement d’en ajouter d’autres, fondamentales, pour notre société. Le badminton a montré la voie d’un sport sociétal, apporteur de solutions avec des très bonnes idées, dont se sont emparés les territoires avec brio.
C’était sans doute trop tôt. Trop avant-gardiste. Trop mis en confrontation avec d’autres desseins ou priorités – le haut niveau, le développement de la pratique sur les territoires par exemple. Les choix de communication ont été peut-être parfois maladroits. Il a fallu faire des choix budgétaires. Parfois peu heureux – la conjoncture n’a pas aidé – le Covid notamment. Un trop plein d’optimisme aussi. Et pourtant. C’était bien là qu’il fallait aller. Sur les deux jambes – le sportif et le sociétal – pour aller plus loin. Et continuer à devenir pionnier dans ce nouveau rôle que le sport doit prendre. Pour que le sportif bénéficie aussi, à termes, de l’investissement de sport bien-être. Car le facteur d’épanouissement, à travers le sport, génère aussi des prises de licence, pour d’autres raisons que le simple plaisir d’une activité.
Je suis presque sûr que, d’ici quelques années, on regardera ce passage de l’histoire de la Fédération Française avec le regret de n’avoir pas été plus loin. D’autres Fédérations ont commencé à prendre ce train en marche, du changement de paradigme. Encore une fois, sans changer l’essence même de la mission fédérale, qui se doit de développer le sport et ses structures. Mais si elle le fait, en plus, en mettant en avant sa capacité à rendre heureux, en meilleure santé, tout le monde en sortira gagnant.
Je suis triste que cette fin de mandature ait été aussi le lieu de tant de haine, d’intentions placées aux mauvais endroits, aux mots et aux maux qu’ils ont engendrés. Je n’ai pas compris pourquoi les débats étaient aussi véhéments. On a vu notre communauté se diviser, ne plus se comprendre. Ne plus se parler, même, quelque fois. Je suis triste aussi de voir qu’il n’y a pas qu’en politique que la France est difficilement gérable : trop vite, on pose un jugement. On critique. Trop vite, on se sectarise, parce que l’on diffère d’opinion. En oubliant bien souvent qu’il n’y a pas qu’une vérité, mais des vérités. Chacun la sienne, qui doit pouvoir cohabiter avec d’autres.
On oublie aussi que ceux qui acceptent la délicate mission de piloter de tels navires, le font avec passion, abnégation, mettant souvent de côté tout le reste de leur vie pour ne se consacrer quasiment qu’à cela. Pour moi, déjà, cela force le respect. La retenue. On prête des desseins carriéristes à ceux qui ont été en fonction. Vraiment ? Une mandature à la présidence d’une fédération de 200 000 licenciés est-elle vraiment un tremplin ? L’histoire le saurait. Je pense aux plus récents anciens Présidents – Florent Chayet, Richard Remaud, que j’ai régulièrement côtoyés avec plaisir. Qui eux aussi, chacun à leur manière, comme Yohan Penel, ont donné de ce qu’il y a de plus précieux dans une vie – le temps – pour essayer de donner à notre sport ce qu’il mérite de lumière. Sans beaucoup de reconnaissance. Avec beaucoup de critiques, lors de leur mandature. Avec pourtant, des bilans que l’on sait, avec recul, très positifs, et dont les décisions permettent aujourd’hui à la France du badminton de s’offrir de belles consécrations. Tant sur le nombre de licenciés que des résultats sportifs. et de la place que la France tient sur la scène internationale en terme de compétences organisationelles ou d'officiels techniques. Bien aidés, il faut le souligner, par nombre de salariés investis, même si souvent désabusés par les querelles politiques.
Je salue ici leur travail, le temps qu’ils ont donné à notre sport, et crois savoir combien il est impossible de satisfaire tout le monde – surtout les ronchons que nous sommes, Français. Combien la tâche est ingrate.
Je salue en particulier le travail de toute l’équipe de Yohan, qui n’a pas ménagé ses peines derrière un leader qui allait à toute allure – parfois peut-être trop vite, mais 4 ans, c’est tellement court… Certains ont décroché. D’autres se sont accrochés. La situation financière, mal au point, a été rattrapée – entre autres par celui qui prend le commandement aujourd’hui. Mais il y avait, je le crois sincèrement, un désir de bien faire. De faire autrement. Et de saisir une magnifique opportunité de prendre ce joli navire pour embarquer d’autres belles âmes, sans pour autant laisser de côté les habitants de l’arche de Noé originelle, sans pour autant oublier le cap. Il faut savoir louvoyer, parfois, pour prendre plus de vent et plus de puissance, pour arriver à bon port. Et arriver, aussi, avec le la satisfaction d'avoir donné du bonheur aux moussaillons.
Je sais que tout ce travail sur l’aspect sociétal du sport ne sera pas vain. Déjà pour ce qu’il a amené d’expériences humaines incroyables. Que les graines ont été semées et je sais la nouvelle équipe suffisamment intelligente pour capitaliser sur cette autre façon de penser le sport.
A cette nouvelle équipe, pleine d’enthousiasme et d’expérience, et son nouveau Président, Franck, dont je connais et apprécie les qualités - quoique très différentes de son prédécesseur - je souhaite que la traversée se fasse sans grosse tempête. En espérant qu’ une liste unique permette aussi un retour à la sérénité des débats, et que les jolies voiles tissées par l’équipe précédente serve cette nouvelle épopée. Pour 4 ans, donc. Bon vent à tous !
Raphael Sachetat
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